Beyrouth : 8 Ramadhan 1425 H / 22 10 2004

 

Bismillâhi A’Rrahmâni A’Rahîmi

Au nom de Dieu le Tout miséricorde, le Miséricordieux

 

Samâhat Ayatollah Al `Odhmâ A’Sayed Mohammad Hussein Fadlallah a donné les deux sermons du Vendredi à partir du Minbar de la mosquée des deux Imâm Al Hassanaïn (as), à Harat Hrayek en présence d’un nombre important de personnalités parmi les savants et dignitaires et un public considérable de croyants.

Son premier Sermon a abordé les points suivants :

 

Le mois du contrôle (de soi) et de l’examen de conscience
Renouvelons notre âme, notre esprit et notre cœur

I. Se contrôler

 

Parmi les caractéristiques du mois de Ramadan est d’être l’occasion pour se renouveler ; pour s’asseoir avec soi en présence de son Seigneur, afin de se comprendre à l’intérieur de soi et de comprendre sa position et son statut vis-à-vis de son Seigneur. Et c’est ce que nous constatons dans tout ce que Dieu a rassemblé (en ce mois) du Coran ou tout ce qu’Il y a donné parmi les éléments de la dévotion en matière de Jeûne, de prière et d’invocations. Il s’agit du contrôle de soi, car l’Homme qui vit l’indifférence dans son existence, du fait de son immersion dans ces passions et désirs et son absorption par ses occupations et ses relations publiques, ne s’occupe pas de ce qu’il est, des raisons de ses actions, des motifs de ses relations, ni des arguments pour justifier ses approbations ou ses refus. Nombreux parmi nous sont ceux qui réagissent comme celui que ballottent les courants d’un endroit à un autre sans qu’il n’ait la liberté du choix.

Ce mois est un mois de méditation et de réflexion, où l’homme vit au début le sentiment de la surveillance divine qui traverse tout son être. Ainsi, il est entièrement dévoilé devant Dieu. Il est possible que nous nous sentions protégés quand nous pensons, que ce soit pour le bien ou pour le mal, que personne ne peut accéder à l’intimité de nos pensées, de nos cœurs, qu’ils battent pour le bien ou pour le mal. Et que personne ne peut s’infiltrer à l’intérieur de nos motivations psychologiques quand nous optons pour accomplir un acte plutôt qu’un autre. C’est pour cela qu’on se sent libre car on n’a point de surveillant. Cependant, la conception religieuse nous informe que Dieu, exaltée soit Sa transcendance, nous surveille lorsque nous réfléchissons, réagissons émotionnellement, ou quand les bonnes ou les mauvaises intentions nous poussent à l’action : « Dieu de toute chose est surveillant » {XXXIII ; 52}. Même les anges notent tout ce que nous pouvons émettre : « Ne prononce pas une parole sans avoir sur lui un surveillant toujours prêt » {L ; 18}. Même nos organes enregistrent tout ce qu’ils commettent comme action, et c’est ce que nous inspire l’invocation « Du`â’ » de Kumayl : « Et toute mauvaise action de ma part, dont Tu as demandé la preuve aux Anges Scribes, que Tu avais chargé d’enregistrer mes actes et d’être les témoins à charge de tous mes sens, tout en demeurant Toi-même le Surveillant et le Témoin de ce qui leur échapperait »[1]

Cette idée – que Dieu a connaissance de ce que peut penser l’homme ou planifier- fait qu’il sente cette surveillance, ce qui le prémuni de penser mal : « Il sait la trahison des yeux et le recel des poitrines» {XL ; 19}. Et l’être des poitrines est une métaphore signifiant l’esprit. Dieu sait ce que tu peux dissimuler dans ton cœur, comme secret et pensé, dont personne n’a connaissance. C’est pour cela que l’homme doit commencer, en ce mois, à reconstruire et à reformer son être, et que cet examen de conscience doive inclure toutes les questions aux quelles il réfléchit, quelles soient confessionnelles, doctrinaires ou tout ce qui lui permet de prendre une position positive ou négative. Comme il doit construire ses émotions lorsqu’il aime ou hait. Il se pourrait que, pour aimer ou haïr, l’homme soit influé par l’environnement dans lequel il vit. Si nous examinons nos émotions, nous trouverons que nous ne choisissons pas notre amour ni notre haine, mais que ces derniers sont liés à ce que aiment ou haïssent nos parents, ou à ce qui nous a été suggéré par le parti auquel nous appartenons. Nous devons donc savoir que notre amour ou notre haine se reflète en nous positivement ou négativement. Ceux qui nous imposent l’amour et la haine ne portent pas la responsabilité de cela quelles qu’en soient les conséquences (positives ou négatives). L’Imam Ali a dit : « Que ton attention ne soit pas détournée par la foule autour de toi, car le jugement qui t’est destiné t’atteindra sans eux ». C’est pour cela que nous devons regarder en nous les racines de nos émotions. Car l’émotion peu surgir d’un état superficiel. C’est ce dont parlent certains jeunes en évoquant « l’amour du premier regard ». L’amour qui doit construire une famille et une entité sociale, n’est pas lié à l’aspect formel et esthétique seulement, mais il est lié à toutes les dimensions de la personnalité. Et dans ce cas, il est nécessaire d’étudier la personne dans son entité, car tu te lies à elle toute entière. Et tu as affaire à son cœur, à ses relations, et à son comportement. Et ces choses ont besoin d’une réflexion et d’une surveillance pour approfondir ta décision à travers les racines liées à ton existence. Et il en est ainsi au niveau des relations publiques, des amitiés, et de l’adhésion politique et sociale.

 

II. L'examen de conscience

 

Il y a un point que nous devons signaler : Au niveau matériel, nous réfléchissons toujours selon le principe de la perte et du bénéfice, alors que nous ne réfléchissons pas selon ce principe quand il s’agit de l’au-delà, lorsque nous serons en présence de Dieu (pour répondre de nos actes). Nous tenons nos comptes sur le plan matériel de manière très exacte, mais combien notre intérêt est limité en ce qui concerne nos comptes avec Le Seigneur des univers, car nous sommes tellement préoccupés par cette vie ici-bas. C’est pour cette raison que toutes ces questions doivent être soumises au contrôle et à l’examen avec tout ce que ces termes peuvent signifier.

D’après l’Imam Ali (a.s.) - et quand nous lisons les mots de l’Imam Ali (a.s.) nous devons imaginer que Ali s’adresse directement à nous, il est l’Imam de tout les temps et son discours est le discours de tous les temps - : « Sachez, serviteurs de Dieu, que vous avez sur vous un surveillant en vous-même et des yeux en vos sens,… - chaque organe est un œil qui vous ausculte – des conservateurs sincères…- que sont les anges – qui enregistrent vos actes et le nombre de vos soupirs, et dont vous n’êtes pas couverts même par l’obscurité d’une nuit ténébreuse… - Nous sommes donc entièrement dévoilés devant les anges comme devant nos organes – Et n’êtes pas protégés même par des portes verrouillées ». Et il (a.s.) affronte l’Homme pour faire de lui son propre maître en disant : « Ne sois pas ton propre esclave, car l’âme est instigatrice de mal sauf ce qu’a pris Dieu dans Sa miséricorde ». Sois l’Homme qui juge son âme à travers sa raison pour la diriger vers le bien et vers ce qui plaît à Dieu exalté soit-Il. L’Imam (a.s.) dit : « Bonheur à celui qui évoque son Seigneur… - qui songe à Dieu en toute chose- et qui craint son pêcher » Pour qu’il s’allège de son pêcher en s’en repentant à Dieu.

Et l’Imam A’Sâdiq (a.s.) dit : « Il ne vient pas un jour au fils d’Adam sans qu’il ne lui dise : O fils d’Adam, je suis un jour nouveau et je suis sur toi un témoin, alors faits de moi du bien … - Ne te trompe pas et garde toi de commettre des pêchers – et accomplis en moi la bonne action, pour que je sois ton témoin le jour du jugement car tu ne me reverras point »

Et l’Imam Al Kâdhim (a.s.) dit : «  Il ne fait pas partie de notre communauté celui qui ne se juge pas chaque jour… - Comme tu fais les comptes des biens que tu as gagnés, tu dois faire ceux des actions que tu as accomplies – S’il a fait du bien, il invoque Dieu pour qu’Il lui facilite d’en faire plus, et s’il a fait du mal, il Lui demande Son pardon et s’en repente à Lui ».

Dans la répartition du temps (de la journée) du croyant, il a été établit qu’il doive le diviser en trois parties : « Un temps pour ses conciliabules avec son Seigneur, un second pour assurer sa subsistance… - assurer sa subsistance ainsi que celle des siens afin d’assumer ses propres besoins et les besoins de ceux qui dépendent de lui - et un troisième temps pour laisser son âme à ses jouissances licites et plaisantes (à Dieu), car cela l’aidera pour assurer les deux premiers temps »

Ce mois est le mois du contrôle, que tu contrôles ton âme pour la comprendre, et le mois des comptes, que tu demandes des comptes à ton âme pour chaque action. Et quand tu lui demandes des comptes, vient le jugement pour que tu juges en sa faveur ou contre elle. Comme il y a l’effort, que tu fasses cet effort contre ton âme pour que tu lui interdises le mal et la diriges vers le bien. Pour cela, nous devons arriver au bout de ce mois avec un esprit nouveau, où il n’y a que le Vrai, un cœur nouveau qui ne regorge que d’amour et de Bien, et une manière d’agir nouvelle qui ne tend que vers ce qui plaît à Dieu et nulle autre chose que Dieu exaltés soit Sa transcendance.

 

Le deuxiEme sermon


 Bismillâhi A’Rrahmâni A’Rahîmi
Au nom de Dieu le Tout miséricorde, le Miséricordieux

 

O serviteurs de Dieu… prémunissez-vous envers Dieu et tenez-Le pour témoin dans toutes vos affaires publiques et privées. Le fait de tenir Dieu pour témoin sur nos affaires signifie que nous avons conscience qu’Il nous voit, alors que nous assumons nos responsabilités envers les nôtres et envers notre communauté avec tout ce qu’elle affronte comme défis et problèmes, guerres et séquestrations. La communauté est l’ensemble de ses membres liés entre eux par la foi et les grandes causes dont ils assument la responsabilité. Notre communauté vit à présent les grands défis, à tel point que si nous examinons le monde musulman, nous trouverons dans chaque pays un homme blessé, tué, détruit ou séquestré. Et c’est ce qui nous oblige à assumer la responsabilité d’avoir des positions à la mesure de ces défis. Examinons donc ce qui nous entoure pour que nous puissions définir notre position :

Palestine : De la continuation dans la résistance

Les Etats-Unis et Israël parient sur l’anéantissement du peuple palestinien sous l’effet des massacres sauvages que commet l’armée sioniste afin de provoquer une réaction des palestiniens contre les combattants de l’Intifada sous prétexte qu’ils sont « la cause de ces massacres ». Mais nous remarquons que ce peuple reste déterminé à soutenir la résistance malgré ce qu’il a souffert récemment des opérations génocidaires dans le camp de Jabaliya, qui ont fait 140 martyres et a détruit plus de 100 maisons et a chassé des milliers de leurs demeures. D’après nos informations les plus sûres, les Palestiniens ont même refusé que la résistance abandonne le lancement des missiles Al Qassam contre les colonies sionistes, pour alléger la pression de l’armée israélienne contre la population, et a demandé à ses combattants de poursuivre la résistance. Les pressions militaires sauvages qu’il a subies n’ont fait que rendre ce peuple plus solide, plus fort et plus valeureux contre l’occupant. Il a fini par croire qu’Israël –et l’Amérique avec elle- veulent la capitulation du peuple Palestinien en levant le drapeau blanc, pour qu’elles lui imposent leurs conditions humiliantes sans lui offrir l’Etat que le président Américain brandit fallacieusement dans le but de servir les intérêts d’Israël.

A travers leurs longues expériences, les Palestiniens ont appris que le problème ne se limite pas seulement à la position du criminel Sharon mais il s’étend à la plupart des Juifs de Palestine qui refusent tout retrait des colonies de Gaza et de quelques régions de la Cisjordanie. Comme ils refusent toute destruction du mur, toute concession concernant Al Qods ou toute reconnaissance du droit de retour aux réfugiés Palestiniens.

Guerre générale contre l’Islam et les Musulmans

Cette affaire est devenue une guerre générale entre les Juifs et les Palestiniens, et elle s’amplifie pour devenir un conflit opposant les Musulmans et les Arabes, d’un côté, et les groupes Juifs et Chrétiens Sionistes Américains, de l’autre. L’influence politique de ces derniers, sur les élections Américaines, est tellement forte que la compétition entre les candidats, républicain et démocrate, s’est transformée en une sorte de surenchère dans le soutien absolu et inconditionnel d’Israël, la lutte contre les Arabes, la destruction du peuple Palestinien et le maintien des pressions sur les alliés et les amis des USA pour transformer le conseil de sécurité en une sorte de position avancée pour faire obstacle à toute incrimination d’Israël, pour les massacres qu’elle commet contre le peuple Palestinien, et étouffer les causes Arabes. Parce que le droit international, humain ou la légitimité internationale n’ont pas d’autre rôle que faire pression sur le monde Arabe et Musulman ?!

Devons-nous comprendre par tout ceci qu’il y a une guerre mondiale contre l’Islam et les Musulmans ? Est-ce que la loi de l’antisémitisme établie par le président Américain est une sorte de déclaration de guerre contre tout Etat ou nation pouvant critiquer les Juifs dans leur politique Palestinienne ou s’opposer à leur agressivité ? Alors qu’elle donne toute la liberté pour s’opposer aux Arabes et aux Musulmans et à tous les autres peuples soumis à des oppressions religieuses ou raciales ? Telle est l’image de l’Amérique dans sa guerre contre l’humanité pour ses intérêts électoraux intérieurs sur le compte de tous les opprimés de la terre !!

En Iraq : L’occupation sème les tragédies

Les scènes tragiques ne cessent de se répéter en Irak causée par l’occupation Américaine : du siège de telle ou telle ville et la destruction de ses maisons par les raids de l’aviation ; aux explosions qui tuent parmi les Iraquiens plusieurs fois le nombre des victimes Américaines ; aux opérations de rapt qui ne respectent même pas l’immunité de ceux qui travaillent dans le domaine humanitaire. Ces opérations d’égorgement et d’immolation dont nous entendons parler jour après jour, et ces assassinats, qui prennent des fois des couleurs partisanes ou rituelles, menacent l’unité autant islamique que nationale…

Au moment où nous imputons aux forces de l’occupation la responsabilité de tous les crimes qu’elles ont commis en Iraq, que ce soit de manière directe ou indirecte, nous attestons que ces gens qui kidnappent sans limites, qui égorgent sans compter, œuvrent dans l’intérêt de l’occupant et pour son compte !

Et il nous faut aussi évoquer cette campagne sauvage qui prend pour cible les Chrétiens d’Iraq et leurs églises. Elle risque de les expulser de leur pays sans aucune raison valable alors que chacun sait, qu’à travers la longue histoire de l’Iraq, des crimes de ce genre n’ont jamais eu lieu, sauf depuis l’occupation Américaine de l’Iraq. Une occupation qui a entamé, dans ce pays, une ère d’anarchie à travers la collaboration de ses services de renseignement et ceux d’Israël : Le MOSSAD, qui planifient la destruction et l’empêchement de la naissance d’un Iraq libre, fort où cohabitent toutes ses composantes religieuses, raciales et politiques.

Le Liban vit les crises étouffantes

Le Liban vit une étape parmi les plus dures qu’il ait eues à vivre, à l’ombre des pressions intérieures et extérieures, et notamment Américaines qui veulent en faire une aire de pression sur la Syrie afin de s’assurer une plus grande aisance dans son occupation de l’Iraq et de fournir plus de cartes avantageuses à Israël.

Nous pensons que les agissements de la gent politique au Liban : entre boycotte politique et positions endurcies générent une situation de violence, tant sur le plan politique que communautaire, à laquelle participent ceux qui se jouent de l’avenir des nations comme ceux qui pêchent en eau trouble, en oubliant le peuple Libanais dans sa crise étouffante. A tel point que cette situation s’est transformée à plus d’une dispute stérile qui prend de fausses couleurs nationales, à la manière « du dialogue de sourds ».

Nous nous adressons à tous en disant : ces slogans irrationnels, pour la situation actuelle, mènerons à des polémiques qui ne produiront point d’entente nationale, mais transformeront cette situation à plus d’une crise politique, économique et sécuritaire qui risqueraient de faire s’écrouler le « temple » sur les têtes de tous ceux qui portent - à travers lui - une cognée et s’attaquent aux bases du pays pour faire s’effondrer toutes ses citadelles historiques.

  

Traduit par : Dr. Oum Haïdar