DISCUSSIONS AVEC UN "AGNOSTIQUE"


Cher J., que dire de ton long message, pour lequel je te remercie, très sincèrement.... Je ne vais pas t’ennuyer encore avec ces “salades”, okay, mais juste, quelques remarques pour recentrer mes propos du dernier message, qui restent valides, donc susceptibles de relecture éventuelle.
Nous ne nous sommes manifestement pas compris. J’ai été très synthétique, trop peut-être; ou certainement, me suis-je mal exprimé?
Tu as pris tout ce que j’ai dit au sens littéral et par conséquent très réducteur. Et tu m’as donc répondu sur ce niveau-là.
Je me souviens de t’avoir demandé de faire un effort de raisonnement au niveau des inductions et déductions inhérentes à mes positions, mes exemples. Je veux dire que je n’ai pas forcément “dit”, tout ce que j’exprimais, par esprit de concision.
Je veux dire aussi que tu m’as répondu sur le message que toi, tu as perçu, comme étant véhiculé par mes mots; et qui n’était malheureusement pas toutes les inférences que moi, j’exprimais.

Les différents exemples données (il en existe mille autres) n’étaient pas une fin en soi, ni mon but ultime, dans l’espoir de contrarier tes convictions, mais simplement des expressions visibles, physiques, en tant que références communes à nos deux consciences, manifestations d’une vérité bien plus profonde, que je voulais ainsi soumettre à ton appréciation critique. Tu as donc évalué ces exemples seuls et non les éléments moteurs qu’ils inféraient.

Puis, tu m’accordes trop d’éloges...comparant mes positions à ceux d’illustres personnages. Non, je n’ai “cité” personne, sinon je l’aurai signalé. Puis, pour tout t’avouer, Voltaire ou Pascal, ou bien d’autres illustres auteurs (not my cup of tea, comme tu dis), je les lis, certainement, sans jamais cependant indexer leurs “dires” ou positions dans ma mémoire ou mon ordinateur. Non ils ne m’ont pas inspiré, même si mes raisonnements prennent parfois, si tu le dis, “leur couleur”.

Mais tout cela est propre à toute communication entre individus, pris en tant qu’éléments culturels. C’est donc normal. Je ne puis donc que t’inviter à une relecture plus profonde de mon dernier message, si cela t’intéresse, à la lumière des éléments ici précisés.

Je n’ai pas foi en Islam, comme tu l’as dit...J’ai foi en Dieu; l’Islam étant mon mode vie. L’Islam ne veut que dire “soumission à Dieu dans la paix”, et musulman veut dire “soumis à Dieu”; ça c’est pour l’étymologie arabe de ces mots. Ce sont donc des termes génériques qui n’ont pas pris naissance avec Mohammad (pssl), mais bien depuis le premier homme. Mohammad (pssl) n’en fut point “le fondateur”. Cela explique pourquoi les musulmans respectent et révèrent Abraham, Moïse ou Jésus (paix sur eux tous), entre autres. Et de même, l’islam est la seule religion dont le nom ne soit pas rattaché à un fondateur ou à une référence géographique.
La seule qui se réfère à Dieu, Seul.
Tu comprendras ainsi mieux pourquoi l’on rigole bien lorsque d’illustres ignorants (dont Voltaire...) nous qualifient de “mohametans”.
Mon livre “islam et christianisme, logique de rapprochement” explique bien ces “subtilités” qui n’en sont point pour qui s’informe un minimum.

Je respecte parfaitement ton évaluation de ma foi comme de l’affectif. Comment réfuter cela sans prendre une heure? Si tu lis sur mon site “Sacré mois de Ramadhan!”, tu verras que je suis parfaitement informé des pièges de l’émotion, que c’est une facette de notre personnalité que j’ai étudiée, que l’on peut maîtriser. Bien que comme chacun je peux moi aussi “exploser”, céder à une tentation, etc, c’est humain, et saint! Disons que l’Islam dispose d’un processus de régulation du phénomène. Si auparavant je me suis légèrement étendu sur “l’Islam”, c’est pour te dire que reconnaître la trace d’un Créateur à travers tout ce qui nous entoure, ce n’est point de l’affectif, c’est un processus auquel ont abouti une multitude de scientifiques (1) purs et durs, c’est une perspective que ni Yves Coppens (j’y reviendrai), ni Hubert Reeves dans le livre que tu cites, entre autres, mais ailleurs aussi (2), ne refusent, HUMBLEMENT (et non poliment *L*).

L’idée de Dieu peut très bien naître d’une réflexion très cartésienne, portant sur l’organisation du monde, son ordonnancement rigoureux. C’est même un processus qui s’impose à tout esprit totalement objectif et impartial.
Le rationalisme n’exclut donc pas le mysticisme, bien au contraire.

La vie, à partir de l’inanimé, n’est pas reproductible, doit-on pour autant conclure qu’elle n’existe pas? Même chose pour la pensée, pour la conscience de soi, et mille autres ex. Toi et moi, sommes-nous reproductibles à partir de rien?
Je parle sur le plan physiologique et psychologique: où étions-nous, qu’étions-nous, il y a 100 ans? Etais-je de la matière? Etais-je ce conglomérat de cellules, sur lequel j’ai certes un pouvoir, mais qui peut réciproquement, des fois me dominer, et que moi, ce MOI conscient, appelle corps? Il ne s’agit pas de questionnements métaphysiques, ou existentiels, je déteste l’inutile donc on se rejoint là-dessus, mais cela se rapporte directement à nos propos.

Un autre saut que tu fais bien trop tôt (je ne dis pas de ne pas le faire), c’est d’évaluer des religions à partir de leurs manifestations historiques, sociologiques, politiques etc. Tu parles déjà de “mythes” (incluant le Coran), de prophètes (incluant Mohammad), de progrès scientifiques grâce à des hommes.
Je n’ai pas abordé ces sujets parce qu’à mon sens, ils relèvent d’une seconde analyse qu’il serait précoce d'initier. CELA, serait certes un amalgame.
Si j’ai effleuré les vérités scientifiques figurant dans le Coran, ça n’était que dans la perspective suivante: un arabe illettré du 7ème siècle n’aurait jamais pu “produire” des énoncés d’ordre scientifique que le monde ne découvre qu’aujourd’hui, sans faire, par ailleurs, le moindre impair avec nos connaissances actuelles! Sachant que même les pires ennemis du Coran lui reconnaissent une authenticité absolue, que le Coran du prophète est le même que celui que je lis chaque jour, cela donc induit forcément une “intelligence directrice” non explicable scientifiquement (voir à ce sujet le texte: “ce qu’ils disent du Coran”, sur mon site, et le livre cité dans le mail précédent).

Oui les scientifiques font des choses étonnantes, comme, par exemple prévoir avec exactitude la date et l’heure d’une éclipse en tel lieu. Ils le font grâce à deux éléments: des calculs, produits de l’intellect (qui lui est non-reproductible et n’est pas l’œuvre d’un homme), ensuite ils le font grâce à l’exactitude d’horloge des lois de l’astronomie (que, là encore, ils ne maîtrisent pas, c’était là le message de mon exemple de la course Terre vers le soleil). Donc tu ne t’arrêtes qu’aux causes dernières, faisant l’impasse sur les pré-requis programmés (les mouvements des astres comme la capacité de développement de l’intellect, le sens artistique nécessaire à la production d’une musique). Dois-je ajouter, programmés par Qui?

Certaines lois scientifiques sont, certes, universelles, mais simplement parce que les phénomènes en cause sont régis par des LOIS naturelles immuables, voire fondamentales, de l'infiniment grand à l’infiniment petit, impliquant l’existence d’un législateur. Et personne ne peut soutenir que le seul hasard fut générateur d’immuable, que le désordre génère l’ordre; tout exercice de probabilité prouve même le contraire! Ce raisonnement est valable pour toutes les “lois scientifiques universelles”, TOUTES, et tu le sais.

Le jour où LA notion “Dieu” ne s’imposera plus dans ton esprit, en terme de négation mais plutôt en terme de question, alors seulement, il conviendrait d’aborder l’étude approfondie des religions, de leurs dogmes, de leurs croyances, de leur prophète, afin de savoir “quel chemin mène à Rome”. En gros, avant de chercher le bon chemin pour “Rome”, il faut déjà vouloir y aller.

Et si la recherche historique est alors dirigé à la fois aux sources des religions et à leurs bagages conceptuels, l’islam n’a rien à craindre, le Christianisme et les autres, tout à craindre. Je l’affirme sans parti pris, car c’est une vérité éprouvée.

Ton penchant pour l’agnosticisme, si réel (et non la paresse spirituelle que tu définis comme tel, sorry de ma franchise), devrait te permettre d’aborder ce problème avec grande sérénité, car, tu en conviendras, il est plus honnête de soutenir, qu’en se basant uniquement sur la science humaine, nous ne pouvons, simplement, PAS établir de probabilité relative à “l’invisible”, à l’au-delà, à ce qui dépasse notre entendement.
Et d’ailleurs, ce que disent Reeves et Coppens, c’est qu’ils ne peuvent déterminer “la réalité” qui dépasse leur champ exploratoire. Ils ne contestent rien, mais avouent les limites de la science, de la leur au moins. Et ça n’est pas propre à eux.

Donc pour se résumer, bien qu’une étude sommaire des religions soit nécessaire au départ, la première interrogation est d’abord: y a t-il un Dieu? Tant que ta conviction est qu’il n’y en a pas, toute référence sérieuse aux éléments de culte s’avèrent futile. Quand tu cites Voltaire, fais gaffe à ne pas citer ce qu’il a dit vers la fin de sa vie “sur les mahometans”, car c’est plus élogieux que ce qu’il n’a jamais dit sur une quelconque religion...

Allons J., tu extrapoles, lorsque j’ai évoqué que notre existence à nous, vivants, créatures, dépendait de facteurs incontrôlables de l’infiniment petit, je n’ai pas assumé qu’il en était de même pour Dieu!
Le problème; et tu dois bien t’en douter, j’ai discuté longuement avec plusieurs “athées” ou agnostiques, c’est pareil chez eux; le problème disais-je c’est que nous ne faisons que NOUS chercher, en fouillant le Cosmos, pour d’éventuelles autres vies, quêtant pour NOS conditions de vie et survie. Comment et pourquoi assumer que ce sont là les seules conditions possibles pour qu’il y ait VIE? C’est une approche fort réductrice!
Quant à assumer qu’un “Créateur” puisse avoir la même dépendance, c’est encore plus gros. Cette espèce d’anthropomorphisme nombriliste est révélateur d’un travers caractéristique.
Dieu n’est pas comme nous, ne subit pas nos contraintes, et notre misérable dépendance. Même si tu récuses l’idée de Dieu, tu ne peux respecter et soutenir ta position, TOUT EN assumant qu’Il “soit” comme nous: car cela assume qu’il pourrait y avoir un Dieu, mais si les conditions de NOTRE existence sont absentes, alors Lui non plus ne peut exister.
S’Il n’existe pas, et je n’ai rien contre l’hypothèse, alors il convient de le PROUVER. Et cela NUL n’a pu le faire valablement à ce jour. Tu peux vérifier.

Je sais que tu peux toujours évoquer la science pour contrer l’idée désuète d’un Dieu, tout autant que moi je peux utiliser la science pour montrer que tout pointe vers un Créateur Suprême. Nous sommes en effet là sur le terrain des convictions, pas des mathématiques. Cependant si la recherche de la vérité est notre motivation, l’éthique nous impose non d’arrêter nos analyses aux causes dernières mais de poursuivre nos investigations bien au-delà, en amont, vers les causes premières. Et là, à tout le moins, de grosses interrogations nous attendent.
Je ne dis pas que là où s’arrête la science humaine actuelle commence Dieu (car 1000 découvertes sont à venir).
Non, Dieu ne se “prouve” pas par la science. Cette dernière émet cependant un faisceau d’évidences vers la probabilité d’un Créateur, que chacun peut appeler comme il veut: l’inconnu, la limite de la science, etc, voire même... Dieu. Mais il faut, alors, bien noter, que seule l’idée d’un Créateur pourrait expliquer non, simplement les “épiphénomènes” que tu évoques, mais leur déterminisme. L’évolution de l’espèce (la même vers la même en mieux, pas “mutation” d’une espèce vers l’autre, ça, jamais vu) est indiscutable. Que le bassin des uns subissent des modifications morphologiques par rapport à des facteurs externes, que la pigmentation de la peau des autres varie d’un lieu à l’autre pour lui permettre de s’adapter à des facteurs externes (ici le soleil), tout cela et mille autres subtilités que, des fois, même la science n’a pas encore pu expliquer, sont des FAITS vérifiables. Tout cela ne diminue aucunement la probabilité d’un Créateur, bien au contraire.
Car ce qui m’intéresse ce sont les modalités de cette évolution, son DETERMINISME. Car la cellule ne “réfléchit” pas.
Qu’est-ce qui, alors explique ce mouvement perpétuel, immuable, inné, vers ce que j’appelle la perfection conjoncturelle ou encore l’évolution créatrice?

Car même si j’accepte l’hypothèse de certains, que nos chromosomes contiennent déjà les données nécessaires à cette évolution, et que, pardieu, ce sont eux qui, en fait, orchestrent et président tout ce ballet fantastique! La même question hante ma conscience de chercheur de vérité, QUI a programmé le code génétique de ces chromosomes? Le hasard? Et ce sur à peine 80 000 générations que représente le temps d’existence de l’homme sur terre, selon la science? C’est de l’utopie mathématique (1 chance sur 1 suivie de 40001 zéro!)! J’arrête là sur l’évolution, car je risque de t’ennuyer. Je n’ai pris l’exemple de la complexité de la fourmi, et la plus grande complexité de l’homme, non pour montrer notre supériorité sur quiconque, mais pour mettre l’emphase sur le fait que la très grande complexité de la fourmi reste encore inférieure, quoique t’en penses, à l’homme. L’homme étant le seul être vivant doté de la conscience de soi et d’un langage élaboré, lui conférant par là même une supériorité inégalée dans le monde animal.
Le fait d’apprécier notre extraordinaire complexité, ne diminue en rien mon humilité face à mon semblable, face aux autres créatures de Dieu, et à fortiori face au Créateur, Lui-même!

Permet moi juste de récuser l’exemple de l’islam comme fondamentalisme absolu. C’est totalement faux, même si cette image est véhiculée par les médias. Je peux le prouver par ses dogmes de liberté, d’adaptation, de tolérance, et dans les faits passés ou présents. Je peux tout autant prouver les odieuses manipulations médiatiques à l’encontre de l’Islam. Mais, je me répète, c’est un problème pour l’instant secondaire. J’en dit un mot ici pour essayer de dissiper tes impressions, préfabriquées par d’autres.

Et enfin je termine sur mon exemple et ce que tu appelles “le pari de Pascal.” Je me re-répète, le problème du choix de la vrai religion, de la voie vers Ce Dieu, n’a de sens que lorsque l’idée d’un Dieu Créateur a germé ou “titille” notre pensée. Je ne l’ai pas évoqué volontairement. Donc, en fait, il importe pour l’instant peu que le gars croit en Dieu (Allah= Dieu= Elohim= Jehovah= God= Dios etc), en Vishnou ou en Boudda. Statistiquement parlant, il a quand même plus de chance que toi, qui n’en a AUCUNE, d’accéder à ce paradis que tu brocardes. Lui en aurait...allez, 1 sur 6... Bien cordialement et humblement, J., j’espère sincèrement ne t’avoir aucunement vexé, par mes pointes d’ironie ou autres, c’est vraiment pas méchant, et nullement mal intentionné, bien au contraire. Et si c’est le cas, je m’en excuse, ainsi que pour tout autre éventuel désagrément. “Nos différences philosophiques” ne peuvent qu’enrichir un échange fructueux, donc bénéfiques mutuellement.
Contrairement à ce que tu pourrais penser ton message m’a apporté de précieuses informations.
Sincèrement.

 

Amine


1) P. P. Grassé: L’Homme en accusation, Albin Michel, Paris 1980 - John C. Eccles (prix nobel): Evolution du cerveau et création de la conscience, Fayard - Jean Emile Charon: L’être et le verbe, Planète, 1965_ Mort voici ta défaite, Albin Michel - Alexis Carrel (prix Nobel 1912): L’Homme cet inconnu, Plon - Michael Talbot: L’Univers, Dieu ou hasard?, J’ai lu.
2) Reeves: La première seconde - The “Big Bang” Theory of the origin of the solar system , Univ. of Arizona Press, Tucson.
3) Reeves: La première seconde - The “Big Bang” Theory of the origin of the solar system , Univ. of Arizona Press, Tucson.

 

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